Comprendre et embarquer les comportements face au changement : le guide opérationnel du dirigeant

Comprendre et embarquer les comportements face au changement : le guide opérationnel du dirigeant
May 29, 2025

Un projet de transformation — cession, croissance, digitalisation, réorganisation — ne dépend jamais que de la stratégie ou de la technique. Tout se joue dans la dynamique humaine.
Un changement réussi, ce n’est pas un plan sur un PowerPoint, c’est une entreprise qui avance ensemble, malgré les peurs, les doutes, les résistances.

I. Les profils face au changement : qui sont-ils, comment les reconnaître ?

Dans toute organisation, la réaction au changement s’organise selon une courbe classique. Cette diversité n’est ni un défaut, ni un hasard : chaque profil répond à ses propres enjeux, parfois rationnels, souvent émotionnels.

1. Les moteurs du changement (« early adopters »)

  • Comportement : Enthousiastes, volontaires, posent des questions constructives, cherchent à s’impliquer.
  • Leur moteur : La nouveauté, l’envie de progresser, la reconnaissance d’être “dans le coup”.
  • Attention : Trop exposés, ils peuvent s’épuiser ou passer pour des “chouchous”.
  • Comment les mobiliser :
    • Donne-leur des responsabilités concrètes.
    • Implique-les dans les ateliers de co-construction.
    • Valorise publiquement leurs initiatives.

2. Les suiveurs pragmatiques

  • Comportement : Attentistes, observent la direction du vent, peu d’avis tranché au départ.
  • Leur moteur : Sécurité, stabilité, appartenance au groupe.
  • Attention : Ils basculent du bon ou du mauvais côté selon la dynamique collective.
  • Comment les mobiliser :
    • Rassure-les par la clarté des processus et des résultats attendus.
    • Mets en avant les succès rapides (“quick wins”) pour ancrer la dynamique.
    • Propose des formations courtes ou des retours d’expérience internes.

3. Les sceptiques/rationnels

  • Comportement : Questionnent tout, challengent la légitimité, posent des “pourquoi”, “comment”, “et si…?”.
  • Leur moteur : Cohérence, logique, maîtrise des risques.
  • Attention : Peuvent freiner le projet s’ils ne se sentent pas écoutés.
  • Comment les mobiliser :
    • Organise des temps d’échange pour lever les objections rationnelles.
    • Donne-leur un rôle de “garde-fou” sur le projet (contrôle qualité, veille, etc.).
    • Rends visibles les résultats, même intermédiaires.

4. Les opposants (résistants actifs ou passifs)

  • Comportement : Critiques frontaux, sabotage passif, blocages dans la mise en œuvre, rumeurs, immobilisme.
  • Leur moteur : Protection du territoire, peur de la perte, attachement à l’existant.
  • Attention : Leur influence peut s’étendre si le malaise s’installe.
  • Comment les mobiliser :
    • Rencontre-les en tête-à-tête, sans public.
    • Écoute leurs peurs, reconnais la légitimité de certains arguments.
    • Propose-leur des compromis ou une place dans la phase de transition.
    • Accepte que certains ne changeront pas : dans certains cas, il faudra accompagner la sortie.

II. Pourquoi ces réactions ? Les mécanismes profonds

Ce n’est pas (seulement) rationnel. Le changement vient toucher des ressorts humains : peur de l’inconnu, perte de pouvoir, déstabilisation des routines, voire remise en cause de l’identité professionnelle.

1. Le deuil de l’existant

Tout changement implique la fin de certains repères. Le processus émotionnel suit souvent la fameuse “courbe du deuil” (Kübler-Ross) :

  • Déni : “Ça ne se fera pas vraiment.”
  • Colère : “C’est n’importe quoi, on a toujours fait autrement !”
  • Négociation : “Et si on faisait autrement ? Un peu moins, un peu plus tard…”
  • Dépression : “À quoi bon, ça ne marchera pas…”
  • Acceptation : “Bon, il faut avancer, comment je peux m’y retrouver ?”
  • Engagement : “Je m’approprie le changement, j’agis.”

2. Les peurs sous-jacentes

  • Peur de perdre son statut, ses habitudes, ses relations privilégiées.
  • Crainte de l’échec dans un nouveau système qu’on ne maîtrise pas.
  • Sensation de ne pas être consulté ou reconnu.
  • Risque perçu de “perdre au change” (salaire, poste, sens…).

III. Les erreurs classiques des dirigeants

  • Croire que la communication descendante suffit.
  • Sous-estimer la force de l’informel et des conversations de couloir.
  • Vouloir aller trop vite sans construire de points d’ancrage.
  • Ignorer les signaux faibles (petits conflits, blagues, absentéisme, etc.).
  • Confondre adhésion et obéissance.

IV. Les leviers pour faire adhérer une organisation au changement

1. Rendre le changement désirable, pas seulement inévitable

  • Expliquer “ce qu’on y gagne”, individuellement et collectivement.
  • Montrer la cohérence avec le projet d’entreprise, pas juste la contrainte extérieure.

2. Multiplier les temps d’échange et les formats

  • Réunions plénières pour le cap global.
  • Ateliers restreints pour remonter les difficultés concrètes.
  • Points réguliers pour prendre la température.

3. Impliquer à tous les niveaux

  • Identifier des relais dans chaque équipe, pas seulement les managers.
  • Donner du feedback rapide sur les premières avancées.
  • Valoriser les petits succès, même symboliques.

4. Rendre visibles les victoires et les efforts

  • Célébrer les étapes franchies, même modestes.
  • Remercier publiquement les personnes engagées.
  • Partager des témoignages internes (“ce que j’ai changé, ce que j’ai appris…”).

5. Traiter la résistance comme un signal, pas une attaque

  • Toujours écouter d’abord, expliquer ensuite.
  • Séparer la critique du projet de la critique des personnes.
  • Savoir arbitrer : parfois il faudra trancher, parfois accepter de revoir le plan.

V. Outils pratiques pour accompagner le changement

  • Cartographie des parties prenantes : qui sont les alliés, les relais, les freins ?
  • Baromètre du climat interne : sondages anonymes, groupes de parole.
  • Journal de bord du changement : ce qui marche, ce qui bloque, ce qui évolue.
  • Feedback 360° sur le projet : inviter toutes les voix à s’exprimer, y compris les “opposants”.
  • Plan de formation : pour combler les écarts de compétences et rassurer.

VI. Cas concrets

Équipe de 10 personnes – Transformation d’un service support

Contexte :
L’entreprise digitalise son process client. L’équipe est soudée, routines bien installées.

Comportements observés :

  • 2 moteurs du changement (très digitaux)
  • 4 suiveurs pragmatiques (inquiets, mais ouverts)
  • 2 sceptiques (peur de déshumaniser le service)
  • 2 résistants (“encore un outil !”)

Actions :

  • Implication des moteurs, formation par pairs
  • Ateliers d’expression des attentes et craintes
  • Tests en situation réelle, feedback rapide
  • Valorisation des succès rapides

Résultat :

  • Les moteurs ont tiré le groupe
  • Les suiveurs ont suivi, rassurés par les pairs
  • Les sceptiques ont adhéré avec le temps
  • Un résistant a changé de mission, l’autre s’est adapté

PME de services, 30 personnes – Lancement d’une nouvelle offre

Contexte :
PME B2B, 30 salariés, lance une nouvelle offre sur un marché adjacent.

Comportements observés :

  • 3 moteurs (managers stratégiques)
  • 15 suiveurs pragmatiques (loyaux, peu enclins à changer)
  • 8 sceptiques (commerciaux expérimentés)
  • 4 résistants (peur de dilution de l’identité)

Actions :

  • Groupe projet mixte moteurs/sceptiques
  • Communication régulière et transparente
  • Formations, simulations commerciales
  • Accompagnement individuel des résistants

Résultat :

  • Le groupe projet entraîne la majorité
  • Sceptiques deviennent prescripteurs internes
  • 2 résistants quittent la PME, 2 trouvent leur place
  • La PME conquiert de nouveaux clients sans se perdre

Réorganisation d’une PME, 60 personnes

Contexte :
Réorganisation structurelle. 60 personnes, plusieurs métiers.

Comportements observés :

  • 10 % moteurs (6 pers.)
  • 60 % suiveurs attentistes (36 pers.)
  • 20 % sceptiques (12 pers.)
  • 10 % opposants (6 pers.)

Actions :

  • Sceptiques associés dès le pilote du projet
  • Ambassadeurs valorisés dans la communication interne
  • Acceptation que certains opposants partent

Résultat :

  • Énergie collective soutenue
  • Cap fixé sans perdre de temps à convaincre tout le monde
  • Les sceptiques deviennent force de proposition

Transformation digitale d’une ETI

Contexte :
Transformation digitale, plusieurs centaines de collaborateurs.

Comportements observés :

  • Résistance marquée des managers de proximité

Actions :

  • Ateliers de co-design du rôle managérial
  • Accompagnement individuel, reconnaissance des enjeux personnels
  • Communication axée sur les “victoires” terrain

Résultat :

  • Déclic des managers : implication croissante
  • Changement perçu comme une opportunité de valoriser leur rôle
  • Effet d’entraînement auprès des équipes

Ces exemples, de la petite équipe soudée à la PME, jusqu’à l’ETI, montrent qu’aucun changement n’est linéaire.
C’est la lucidité sur les profils, la capacité à dialoguer, à ajuster, et à reconnaître l’effort collectif qui fait la différence, pas la taille de la structure ni la “qualité” du projet sur le papier.

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À retenir :

Un changement se réussit quand on comprend que l’adhésion n’est jamais totale ni immédiate.
On avance par cercles concentriques : les moteurs entraînent les suiveurs, les sceptiques challengent, les opposants font réfléchir, l’ensemble ajuste sa trajectoire.

Le rôle du dirigeant :

  • Lire la carte des émotions et des jeux d’acteurs.
  • Prendre le temps d’expliquer, de rassurer, de donner du sens.
  • Décider et assumer que tout le monde ne suivra pas — mais donner à chacun la possibilité d’embarquer.

Chez Scale2Sell, on a une conviction : la réussite d’une transformation, ce n’est pas d’avoir 100 % d’adhésion, c’est de créer suffisamment de dynamique pour que l’organisation avance, et que les talents qui veulent s’investir aient un cadre pour le faire.

Remarques :
En pratique, demandez-vous :  

Allez plus loin, échangez avec un partner !

François Joseph Viallon
François
Viallon
Partner Stratégie

François Joseph Viallon est cofondateur de Scale2Sell, où il accompagne des dirigeants dans leur passage à un nouveau palier de croissance jusqu’à la cession de leur entreprise.

Entrepreneur dans l’âme, il a fondé et dirigé StarDust, une société internationale spécialisée dans le test d’applications mobiles, qu’il a menée jusqu’à sa cession.Fort de cette expérience, il partage aujourd’hui les enseignements – succès comme erreurs – de son parcours pour aider d’autres dirigeants à structurer, valoriser et transmettre leur entreprise dans les meilleures conditions.

Il est également l'animateur du podcast Les interviews Scale2Sell et du programme d’accompagnement One Step Forward, pensé pour les dirigeants qui veulent anticiper et réussir leur transition.

François croit profondément à l’impact d’un collectif d’experts engagés, au service de dirigeants prêts à franchir une nouvelle étape.

François est papa de 2 garçons de 11 et 12 ans, il est basé à Marseille et en Haute-Savoie.

Nicolas Cavalier
Nicolas
Cavalier
Partner

Nicolas Cavalier est operating partner au sein du collectif Scale2Sell, où il accompagne startups et PME dans les étapes critiques de structuration, de croissance et de valorisation.

Il a cofondé et développé une startup à impact ayant levé 10 millions d’euros, généré plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires en 7 ans, recruté plus de 30 collaborateurs et conquis des marchés complexes en France et à l'international. Il connaît intimement les défis auxquels font face les dirigeants : structuration des opérations, scalabilité, croissance commerciale, stratégie produit, recrutement.

Son accompagnement, à la fois stratégique et opérationnel, repose sur une approche pragmatique, orientée résultats. Il intervient en tant qu’"Operating Partner", bras droit du dirigeant, pour diagnostiquer les enjeux, prioriser les leviers de performance, mettre en place les bons outils et aligner les équipes autour d’une ambition commune.

Nicolas est convaincu que les meilleures trajectoires se construisent avec méthode, engagement et lucidité, et que les dirigeants ont besoin d’un sparring-partner expérimenté pour franchir sereinement chaque palier de croissance.

Basé entre Marseille et Paris, son temps se partage entre le conseil, l'entrepreneuriat et deux tournois de Padel

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