Le Guide du Juste Salaire pour un Dirigeant et ses Associés

Le Guide du Juste Salaire pour un Dirigeant et ses Associés
April 28, 2025

Quand on dirige son entreprise, la question du salaire personnel n'est pas anodine.
Elle touche à tout : l'équilibre financier de la boîte, la dynamique avec les associés, l'image qu'on renvoie aux équipes, et même, à terme, la valorisation de l’entreprise en cas de levée ou de cession.

Beaucoup de dirigeants repoussent la question ou la traitent "à l'instinct". Mauvaise idée.
Un salaire mal calibré peut devenir une bombe à retardement : soit en fragilisant votre trésorerie, soit en créant des tensions internes difficiles à réparer.

👉 Fixer un juste salaire, c’est donc un acte de gestion stratégique.

Ce qu’est un juste salaire — et ce que ce n’est pas

Un juste salaire n'est pas :

  • Ce dont vous avez besoin pour votre train de vie personnel.
  • Ce que vous rêveriez de gagner "par principe".
  • Ce qu'un copain entrepreneur vous a raconté à un dîner.

Un juste salaire c’est :

  1. Un niveau soutenable pour la trésorerie et les marges de votre boîte.
  2. La rémunération équitable de la valeur que vous apportez réellement à votre entreprise.
  3. Un package cohérent par rapport aux attentes des associés, actionnaires ou investisseurs.

👉 Dit autrement : un juste salaire sert à motiver, à aligner les intérêts, et à sécuriser l’entreprise.

Les facteurs qui doivent guider votre décision

1. La rentabilité de l'entreprise

Premier filtre absolu : la rentabilité.
Si votre entreprise dégage du résultat, vous avez mécaniquement plus de latitude pour construire un package salarial solide.

À l’inverse, si vous êtes structurellement déficitaire (early-stage, forte R&D, investissements lourds), votre salaire doit être sobre et pensé dans une logique d'équilibre à moyen terme.

👉 La règle est simple :

  • Plus votre boîte est rentable, plus vous pouvez augmenter votre fixe et votre variable.
  • Moins elle l’est, plus vous devez privilégier un fixe léger et un intéressement différé.

2. Levée de fonds ou autofinancement ?

Autre filtre fondamental :
Votre entreprise a-t-elle levé des fonds ou non ?

Cas d’une entreprise autofinancée :

  • Vous êtes libre, dans les limites de la capacité contributive de la boîte.
  • Attention cependant : un salaire excessif nuit à la trésorerie et à la valeur future de revente.

Cas d’une entreprise ayant levé des fonds :

  • Votre salaire n’est plus seulement votre affaire.
  • Il est contrôlé (et souvent validé) par le board d’investisseurs.
  • Les pratiques de marché fixent des fourchettes. Exemples en Série A à Paris : un CEO tourne entre 100k€ et 140k€, pas plus, stock-options inclus.

3. Phase de vie de l'entreprise

Le juste salaire d’un dirigeant ne se pense jamais dans l'absolu.
Il doit toujours s’adapter au moment de vie de l’entreprise.

Voici comment raisonner selon votre phase actuelle :

  • Early-stage (avant levée ou très faible traction)
    À ce stade, l'entreprise est fragile.
    Le dirigeant doit montrer l'exemple : un salaire modeste, parfois à peine supérieur au minimum de subsistance, complété par un fort levier d'intéressement (BSPCE, primes conditionnées à des milestones).
👉 Ce qui compte : prouver son engagement et préserver chaque euro de trésorerie.
  • Post-levée de fonds (série A, B...)
    Une fois les fonds levés, le dirigeant peut prétendre à une rémunération plus "market" — mais toujours encadrée par le board.
    Les investisseurs acceptent un salaire plus élevé, à condition que la performance suive.
    Des mécanismes de stock-options ou de BSPCE sont souvent obligatoires pour aligner sur la création de valeur future.
👉 Ce qui compte : rester exemplaire sur le rapport salaire/performance.
  • Croissance rentable
    Quand l'entreprise génère des profits récurrents et solides, le dirigeant peut assumer une rémunération plus confortable : un fixe compétitif, un variable sur des indicateurs solides (EBITDA, marge nette) et des primes d’atteinte d’objectifs stratégiques.
👉 Ce qui compte : aligner la rémunération sur la création de valeur durable.
  • Préparation d'une cession
    À l'approche d'une vente, il est crucial de stabiliser le salaire : ni trop bas (sous-valorisation de l'équipe dirigeante), ni trop élevé (réduction artificielle de la rentabilité).
    Les primes doivent être intelligemment indexées sur le succès de la cession (earn-out, primes de closing...).
👉 Ce qui compte : donner confiance à l'acquéreur en montrant que l'équipe est motivée et que les charges sont saines.
  • Société en retournement (dirigeant-actionnaire majoritaire)
    En situation de retournement, la priorité absolue est la survie de l'entreprise.
    Même si vous êtes actionnaire majoritaire, votre salaire doit baisser temporairement pour restaurer les équilibres financiers.
    Cela peut prendre la forme d’une suspension partielle, d’un salaire au SMIC + bonus de redressement à atteindre.
👉 Ce qui compte : montrer l’exemple à vos équipes et préserver le cash pour relancer l'activité.

⚡ Attention :
Même actionnaire majoritaire, vous devez acter cette baisse en AG pour éviter toute contestation ultérieure (notamment en cas de redressement judiciaire ou de vente forcée).

  • Société tech autofinancée (sans VC)
    Dans une entreprise tech qui a choisi de ne pas lever de fonds, la logique salariale est différente : liberté de choix, mais aussi responsabilité totale.
    Le dirigeant doit arbitrer entre :
  • Se rémunérer correctement pour rester engagé sur le long terme ;
  • Laisser suffisamment de cash disponible pour financer la R&D, l'acquisition client, l'équipe.

Dans ces sociétés, le bon équilibre est souvent :

  • Un salaire moyen ou modeste en phase de construction ;
  • Un intéressement progressif sur la marge nette ou le chiffre d'affaires.
👉 Ce qui compte : construire une rémunération en phase avec l’autonomie stratégique voulue par l'entreprise.

Comment fixer son juste salaire : la méthode en 3 étapes

Étape 1 : Diagnostiquer la capacité contributive de votre entreprise

Ne fixez jamais votre salaire avant d’avoir regardé :

  • La rentabilité nette réelle.
  • La trésorerie disponible.
  • Le besoin en cash des 12 à 24 prochains mois.

Exemple :

  • Votre boîte fait 500k€ de résultat net ➔ OK pour un salaire directeur général autour de 100k€ à 130k€ brut annuel.
  • Votre boîte brûle 1M€ par an ➔ Fixe modeste impératif, gros intéressement pour compenser.
👉 Ce diagnostic permet d'éviter de "taper dans la caisse" sans le savoir.

Étape 2 : Benchmarker intelligemment votre position

Regardez ce qui se pratique réellement dans votre secteur, votre région, votre taille de boîte.

Outils utiles :

  • Études APEC pour les PME.
  • Glassdoor pour les startups et scaleups.
  • Études EY pour les entreprises en croissance.
  • Votre propre réseau Scale2Sell.
⚡ Attention : ne copiez pas bêtement.
Un benchmark est un point de repère, pas une excuse pour vivre au-dessus de vos moyens.

Étape 3 : Proposer un package équilibré

Un bon package, c’est :

  • Un fixe raisonnable : pour la sécurité de base.
  • Un variable ambitieux : pour aligner avec la performance.
  • Un intéressement long terme : pour construire de la richesse si succès.

Exemple concret :
Dans une PME industrielle lyonnaise rentable, un dirigeant peut construire un package ainsi :

  • 90 000€ de fixe annuel brut.
  • 30 % de variable sur EBITDA atteint.
  • Prime de cession en cas de vente de l’entreprise avec X multiple.

Le rôle clé des associés et des actionnaires

Point fondamental :

Votre salaire doit toujours être validé par vos associés ou votre board.

Pourquoi ?

  • Pour éviter les tensions internes.
  • Pour sécuriser votre gouvernance.
  • Pour protéger la revente future de votre entreprise.

Mode opératoire recommandé :

  • Fixez les principes de rémunération dans le pacte d’associés.
  • Faites valider les montants en AG annuelle.
  • Si levée de fonds : demandez un vote formel du board.

Ne jamais négliger cette étape. Même entre "amis associés". Car à la première difficulté, tout remonte à la surface.

Exemples pratiques

📈 PME autofinancée en région

Contexte :
PME industrielle lyonnaise, 10M€ de CA, EBITDA à 15 %, autofinancement total.

Approche salaire :

  • 90k€ brut annuel fixe.
  • 20k€ de variable indexé sur l'atteinte d'un EBITDA > 12 %.
  • Prime exceptionnelle de 30k€ en cas de croissance du chiffre d’affaires > 10 % annuel.

Pourquoi ce choix ?
Permet d’avoir une rémunération solide, sans fragiliser la trésorerie, tout en incitant à maintenir la performance.

📈 Startup tech parisienne post-levée

Contexte :
Startup SaaS basée à Paris, levée de 5M€ en Série A, non rentable mais forte traction commerciale.

Approche salaire :

  • 110k€ brut annuel fixe pour le CEO.
  • Bonus de 0–30k€ sur atteinte de milestones stratégiques (MRR, nombre de clients).
  • Attribution de 2 % de BSPCE avec vesting sur 4 ans.

Pourquoi ce choix ?
Aligner le CEO sur l’accélération de la croissance tout en maîtrisant la consommation de cash. Package validé par le board VC.

📈 Entreprise familiale en pré-cession

Contexte :
PME familiale (45 salariés) en cours de préparation de cession dans 18 mois, CA récurrent et marges stables.

Approche salaire :

  • 100k€ brut annuel fixe, gelé jusqu'à la cession.
  • Prime de closing représentant 5 % du prix de vente net.

Pourquoi ce choix ?
Stabiliser la masse salariale pour éviter de dégrader les indicateurs financiers présentés aux acquéreurs, tout en motivant le dirigeant à réussir la vente.

📈 Société en retournement (dirigeant-actionnaire majoritaire)

Contexte :
Entreprise de services en difficulté, perte de CA sur deux exercices, risque de cessation de paiements.

Approche salaire :

  • Fixe réduit à 2 000 € brut mensuel (proche du SMIC) pour 12 mois.
  • Prime exceptionnelle de redressement en cas de retour à l'équilibre financier (prime fixée à 30k€ conditionnée à l'atteinte d’un cash-flow positif sur 6 mois consécutifs).

Pourquoi ce choix ?
Envoyer un message fort aux salariés et partenaires financiers : priorité absolue à la survie et à la reconstitution du cash.

📈 Société tech autofinancée (sans levée VC)

Contexte :
Startup SaaS autofinancée, CA récurrent annuel de 800k€, forte réinjection dans la R&D et l’acquisition.

Approche salaire :

  • 65k€ brut annuel fixe pour le CEO.
  • Bonus de 15k€ en cas de passage du seuil de 1M€ d’ARR (Annual Recurring Revenue).
  • Partage éventuel de la plus-value en cas de revente future via pacte d'associés.

Pourquoi ce choix ?
Rester léger sur le fixe pour maximiser l'autofinancement, tout en assurant au CEO une perspective d’enrichissement liée à la croissance organique.

💬 Note importante :
Chaque entreprise est un cas particulier. Mais dans 100 % des situations, le secret est le même : adapter le niveau de rémunération à la phase économique réelle de votre boîte, et le valider collectivement.

📈 Startup tech en pré-levée de fonds

Contexte :
Startup B2B SaaS basée à Nantes, 8 salariés, produit fonctionnel mais encore peu de chiffre d’affaires (200k€ d’ARR). Recherche en cours d’une première levée de fonds (seed ou série A).

Approche salaire :

  • 40k€ brut annuel fixe pour le CEO (très en dessous du marché).
  • Pas de variable immédiat, mais attribution de BSPCE pour 5 % du capital dilué, avec un vesting sur 4 ans.
  • Bonus différé prévu (30k€) en cas de levée réussie > 1M€.

Pourquoi ce choix ?

  • Montrer aux investisseurs que le CEO est engagé à long terme, qu’il privilégie la croissance avant son confort personnel.
  • Préserver au maximum la trésorerie avant l'arrivée de fonds extérieurs.
  • Se mettre en position de revaloriser son package après la levée, une fois la dilution acceptée par tous les actionnaires.

À retenir :

Fixer son salaire, c’est gouverner

Fixer votre salaire n’est pas une formalité administrative.
C’est un acte de gouvernance. C’est un choix qui parle de votre rapport au pouvoir, à l'argent, et surtout à l'avenir de votre entreprise.

Un bon salaire, ce n’est pas juste « ce que vous pouvez vous payer ».
C’est ce qui :

  • Sécurise la santé financière de votre boîte.
  • Protège vos associés et vos salariés.
  • Vous garde motivé et aligné avec la création de valeur à long terme.

Un mauvais salaire, en revanche, a toujours un prix.
Parfois immédiat (tensions internes, burn-out, crise de trésorerie).
Parfois différé (perte de crédibilité auprès d’un acquéreur, conflit larvé avec des actionnaires).

👉 Fixer un salaire juste, ce n’est pas céder à la facilité.
C’est penser en stratège. C’est construire des bases solides pour la suite.

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François
François
Viallon
Partner Stratégie

François Joseph Viallon est cofondateur de Scale2Sell, où il accompagne des dirigeants dans leur passage à un nouveau palier de croissance jusqu’à la cession de leur entreprise.

Entrepreneur dans l’âme, il a fondé et dirigé StarDust, une société internationale spécialisée dans le test d’applications mobiles, qu’il a menée jusqu’à sa cession.Fort de cette expérience, il partage aujourd’hui les enseignements – succès comme erreurs – de son parcours pour aider d’autres dirigeants à structurer, valoriser et transmettre leur entreprise dans les meilleures conditions.

Il est également l'animateur du podcast Les interviews Scale2Sell et du programme d’accompagnement One Step Forward, pensé pour les dirigeants qui veulent anticiper et réussir leur transition.

François croit profondément à l’impact d’un collectif d’experts engagés, au service de dirigeants prêts à franchir une nouvelle étape.

François est papa de 2 garçons de 11 et 12 ans, il est basé à Marseille et en Haute-Savoie.

Coraline
Coraline
Thieller
Partner Délégation

Coraline Thieller est partenaire chez Scale2Sell, où elle pilote la mise en place et l’organisation de l’assistanat au sein des entreprises accompagnées.Spécialiste des opérations et de la structuration des fonctions support, elle aide les dirigeants à déléguer efficacement, à fluidifier leur quotidien et à se recentrer sur leur rôle stratégique.

Avant de rejoindre Scale2Sell, Coraline a accompagné de nombreuses startups et PME dans leur structuration interne, en s’appuyant sur une approche à la fois humaine, pragmatique et orientée résultats.

Réactive, bienveillante et ultra opérationnelle, Coraline est la garante d’une assistante qui devient un vrai levier de performance.

Maman de 2 garçons de 15 et 5 ans, Coraline est basée à Aix en Provence