La vente d’une entreprise n’est jamais anodine pour son organisation interne. Les équipes, premières concernées, se retrouvent face à l’incertitude, avec un cocktail d’émotions : inquiétude sur leur avenir, perte éventuelle de repères, méfiance, voire démobilisation. Or, ces réactions, si elles ne sont pas anticipées, peuvent impacter la performance, la productivité, et donc la valorisation de l’entreprise. Trop souvent, les dirigeants sous-estiment le poids de la communication interne, la réduisant à une formalité ou à un exercice de pure discrétion. Pourtant, une stratégie de communication structurée, agile et sincère est un levier puissant pour sécuriser la transition, préserver la confiance, et même renforcer l’attractivité de la cible auprès des repreneurs ou investisseurs.
Avant toute annonce, il est essentiel d’identifier les flux de communication internes et leurs points de friction. Qui porte réellement la parole dans l’organisation ? Quels sont les relais d’influence, les canaux officieux, les poches de résistance ou d’incertitude ? Un diagnostic fin permet de cartographier les forces et vulnérabilités de l’entreprise, bien au-delà de l’organigramme officiel. Cela évite de se laisser surprendre par des rumeurs ou des mouvements de défiance — signaux faibles précoces d’une crise de confiance.
La préparation ne se limite pas au « quoi » dire, mais aussi au « quand », « comment » et « par qui ». Chaque public interne (codir, managers, équipes opérationnelles, fonctions support) doit recevoir un message adapté, au bon moment, avec un niveau d’information cohérent avec sa position dans l’organisation. Il faut intégrer les scénarios de réaction : fuite d’information, inquiétudes individuelles, questions sensibles (emploi, condition de travail, vision à long terme).
Désigner les bons porte-paroles, c’est déjà défendre la valeur de l’entreprise. Un dirigeant isolé ou hésitant, ou pire, des contradictions dans la ligne donnée, peuvent creuser l’incertitude et entamer l’image de solidité sur laquelle se fonde (en partie) la valorisation externe. Les managers intermédiaires sont des relais structurants : former ce corps d’encadrement à porter un discours homogène, rassurant sans minimiser les enjeux, fait toute la différence dans la gestion de crise.
Un plan de communication efficace ne s’improvise pas. Organiser des ateliers de media training, préparer des Q&A sur les questions sensibles, organiser des simulations de situations de crise : tout cela permet aux porte-paroles d’être armés face à la pression et d’éviter les maladresses aux conséquences durables. C’est aussi un enjeu d’éthique et de conformité : dans un contexte de cession ou levée de fonds, l’absence de maîtrise du discours interne peut alimenter des rumeurs et fragiliser les négociations.
La tentation du secret excessif est forte lors d’une opération de cession ou levée de fonds. Pourtant, l’opacité peut générer plus d’anxiété et d’instabilité que la transparence partielle mais maîtrisée. Il est judicieux de mettre en place :
Le bon arbitrage est à trouver entre sécurisation du process et éthique de l’information.
Les signaux faibles internes (baisse de productivité, absentéisme, conflits, hausse des départs volontaires, désengagement sur les projets transverses) doivent être surveillés de près. Ils renseignent sur l’efficacité de la communication et signalent la nécessité d’ajuster le dispositif. Un comité d’écoute ou une cellule de pilotage « communication-crise » peuvent permettre de remonter ces signaux et de réagir avant que la situation ne se grippe sérieusement.
Formaliser un dispositif de gestion de communication interne n’est pas synonyme de lourdeur bureaucratique. L’approche idéale : un cadre clair (process, fiches réflexes, modèle de messages, rôles prédéfinis), accompagné de capacités d’ajustement rapide. C’est la combinaison des deux qui offre la meilleure résilience. Se reposer sur des process sans esprit critique peut cependant s’avérer contre-productif ; chaque contexte de cession est unique, les équipes attendent aussi une reconnaissance de leur singularité.
Un pilotage de la communication interne qui sème la défiance ou casse la dynamique collective peut à terme peser lourd dans le process de valorisation (notamment sur l’image envoyée aux acheteurs potentiels, la stabilité des équipes clés, la continuité de l’activité). D’où l’intérêt de ménager la fluidité de circulation des informations, de mettre à jour en temps réel les contenus, et d’impliquer certains relais de terrain dans la veille et le retour d’expérience.
La capacité d’une entreprise à gérer sereinement sa communication de crise est un argument de poids lors des due diligence. Un climat social dégradé, un taux de turnover anormal, des informations contradictoires sont autant de drapeaux rouges pour un investisseur ou un repreneur. Au contraire, des process clairs, des indicateurs RH stabilisés, une mobilisation collective sont des atouts concrets qui se traduisent en réduction du risque (et parfois en survalorisation de la cible).
Attention toutefois à ne pas tomber dans l’excès inverse : une communication trop processée, aseptisée, sans relief, peut être perçue comme un signe de défiance ou de manipulation. La sincérité, l’explicitation des zones d’incertitude ou d’inconnu, la capacité à donner de l’espace au dialogue restent des leviers de confiance majeurs. Le dirigeant gardera toujours une part de discernement à exercer entre structuration, transparence intelligente et adaptation aux imprévus.
Professionnaliser sa communication interne en période de vente ou de levée de fonds ne relève pas du simple affichage. C’est un chantier stratégique qui impacte la valorisation, la stabilité sociale et la capacité à délivrer une transition sans heurts. Diagnostiquer, anticiper, former, structurer… mais surtout s’adapter restent les maîtres-mots pour piloter la communication de crise sans fragiliser la dynamique collective. La clé : bâtir une routine solide, tout en restant prêt à l’inattendu, pour transformer cette période sensible en véritable atout pour la transmission ou la croissance. Restez lucides, structurez sans rigidifier, et faites de la communication interne un levier de valorisation – non une simple variable d’ajustement.
François Joseph Viallon est cofondateur de Scale2Sell, où il accompagne des dirigeants dans leur passage à un nouveau palier de croissance jusqu’à la cession de leur entreprise.
Entrepreneur dans l’âme, il a fondé et dirigé StarDust, une société internationale spécialisée dans le test d’applications mobiles, qu’il a menée jusqu’à sa cession.Fort de cette expérience, il partage aujourd’hui les enseignements – succès comme erreurs – de son parcours pour aider d’autres dirigeants à structurer, valoriser et transmettre leur entreprise dans les meilleures conditions.
Il est également l'animateur du podcast Les interviews Scale2Sell et du programme d’accompagnement One Step Forward, pensé pour les dirigeants qui veulent anticiper et réussir leur transition.
François croit profondément à l’impact d’un collectif d’experts engagés, au service de dirigeants prêts à franchir une nouvelle étape.
François est papa de 2 garçons de 11 et 12 ans, il est basé à Marseille et en Haute-Savoie.