Entreprises générales du bâtiment : entre résilience et recomposition systémique du modèle européen (2025–2026)

Entreprises générales du bâtiment : entre résilience et recomposition systémique du modèle européen (2025–2026)
November 11, 2025

Contexte et dynamique du marché

Le secteur des Entreprises Générales du Bâtiment (EGB) représente en Europe un moteur critique de l’investissement productif et de la transition énergétique, avec environ 1 400 milliards € d’investissement total en construction en 2024 (source FIEC, « précision »: « estimation »). Après un rebond post-pandémique, le marché a affronté en 2024 une contraction de 2 % sur l’UE, concentrée dans le résidentiel, tandis que les activités d’infrastructure et de rénovation énergétique soutenaient partiellement les volumes.

La structure du marché reste marquée par une dualité :

  • des grands groupes intégrés comme VINCI, Bouygues, Eiffage, Strabag ou Hochtief captant la majorité des grands projets d’infrastructure et des programmes publics ;
  • et un tissu dense de PME locales, plus exposées à la conjoncture et aux coûts de financement.
Les backlogs historiques enregistrés par les principaux acteurs (ex : 69,1 Md€ chez VINCI en 2024) démontrent la résistance du modèle « multi-segment », même dans un environnement de taux élevé.

Structure concurrentielle

Le marché reste à concentration moyenne, avec une fragmentation élevée sur le mid-market. Les leaders internationaux consolident autour de l’énergie, des infrastructures et des segments “verts” (data centers, PPP, réseau transport). Les PME, elles, survivent par la spécialisation régionale et la sous-traitance.

Thèse d’investissement

Hypothèse centrale

Le potentiel de création de valeur des EGB en Europe repose sur la montée en puissance de la rénovation énergétique et des infrastructures durables, deux flux soutenus par la politique européenne (EPBD révisée, Renovation Wave, NZIA). L’investisseur qui saura miser sur la digitalisation (BIM, off-site, IA de planification) et la maîtrise des risques opérationnels captera des marges structurellement plus élevées (EBIT moyen 5–7%, « précision »: « estimation »).

Modèles gagnants et poches de marge

  • Les modèles intégrés (EPC + Facility Management) : marges moyennes à élevées via revenus récurrents.
  • Les acteurs du hors-site modulaire : gains de productivité +20 à 30 % et réduction des délais.
  • Les spécialistes de la rénovation et de la performance énergétique : marges stabilisées par subventions publiques.

Horizon 3–5 ans

Les opportunités majeures se situent dans :

  • le déploiement des programmes de rénovation énergétique européens (EPBD 2030) ;
  • les partenariats public-privé (transport, data centers, énergie) ;
  • la digitalisation intégrée de la chaîne projet (BIM + IA + jumeaux numériques).

Scénarios de rupture

Scénario technologique

Probabilité : élevée | Impact sur la thèse : positif
L’accélération du BIM, de l’IA prédictive et de la robotisation des chantiers pourrait augmenter la productivité et réduire les marges de risque sur les plannings. Les vainqueurs seront les EGB adoptant les technologies rapidement ; les perdants, les acteurs traditionnels incapables d’upgrader leurs process.

Scénario géopolitique

Probabilité : moyenne | Impact sur la thèse : neutre
Les tensions commerciales, les politiques industrielles (NZIA) et la réallocation budgétaire publique peuvent ralentir certains programmes ou redistribuer le financement vers les infrastructures nationales. Les principaux déclencheurs sont : coûts énergétiques, guerres régionales, politiques budgétaires restrictives.

Scénario macro-sociétal

Probabilité : élevée | Impact sur la thèse : positif
Les attentes de durabilité et la pénurie de main-d’œuvre vont accélérer la mécanisation, la modularité et la formation continue. Les dynamiques culturelles clés : digitalisation du BTP, féminisation des métiers, culture de la sobriété énergétique.

Relais de croissance possibles

  • Rénovation énergétique massive – Impact : élevé | Horizon : moyen | Conditions : financement public stable, labels ESG.
  • Industrialisation (off-site, prefab) – Impact : moyen | Horizon : moyen | Conditions : formation technique, levées de fonds.
  • Internationalisation ciblée – Impact : moyen | Horizon : long | Conditions : présence locale, gestion du risque.
  • Partenariats public-privé – Impact : élevé | Horizon : moyen | Conditions : solidité bilancielle, expertise contractuelle.

Consolidation du secteur

Le mouvement de consolidation est stimulé par le besoin de taille critique, la digitalisation et la montée des exigences de conformité ESG. Les M&A devraient concerner surtout les PME spécialisées (rénovation, modulaire, ingénierie BIM).
Déclencheurs : volatilité du marché résidentiel, nouvel encadrement européen EPBD, financement vert. Les acteurs à la manœuvre : grands groupes (VINCI, STRABAG, Eiffage), fonds d’infrastructure et industriels souhaitant verticaliser la chaîne construction-énergie.

Menaces et risques

Inflation et coût du capital

Probabilité : élevée | Impact : élevé | Mitigation : diversification du portefeuille et indexation systématique des contrats.

Pénurie de main-d’œuvre

Probabilité : élevée | Impact : moyen | Mitigation : automatisation, politique de formation, attractivité métiers.

Dérive des coûts matières premières

Probabilité : moyenne | Impact : moyen | Mitigation : clauses d’ajustement contractuelles, achats groupés.

Complexité réglementaire européenne

Probabilité : moyenne | Impact : moyen | Mitigation : veille réglementaire et mutualisation des expertises ESG.

Disruption IA / digital

Probabilité : moyenne | Impact : positif | Mitigation : veille technologique, partenariats avec startups IA construction.

Axes de travail prioritaires pour les dirigeants

1. Digitaliser la chaîne projet (BIM + IA)

Objectif : réduire les écarts de coûts et délais. Impact : élevé | Horizon : moyen | Complexité : L | KPI : taux d’adoption BIM, coûts unitaires chantier.

2. Structurer l’offre rénovation énergétique

Objectif : capter la demande EPBD 2030. Impact : élevé | Horizon : court | Complexité : M | KPI : part CA rénovation, rentabilité par segment.

3. Sécuriser la trésorerie et l’accès au financement

Objectif : piloter le risque taux et cash-flow. Impact : moyen | Horizon : court | Complexité : M | KPI : DSCR, taux de commande financé.

4. Renforcer la marque employeur

Objectif : attirer les talents techniques. Impact : moyen | Horizon : moyen | Complexité : M | KPI : taux de rétention, nombre de formations certifiantes.

5. Nouer des alliances stratégiques

Objectif : mutualiser les compétences technologiques et géographiques. Impact : moyen | Horizon : long | Complexité : L | KPI : nombre de coentreprises, part du backlog partagé.

À retenir :

À l’horizon 2025–2026, la valeur dans le secteur des Entreprises générales du bâtiment se déplacera vers la maîtrise technologique (BIM, IA, préfabriqué) et la capacité à exploiter la vague de rénovation énergétique européenne. Les acteurs capables d’intégrer l’industrialisation, la digitalisation et l’ingénierie financière dans leur modèle seront les mieux positionnés pour stabiliser leurs marges malgré un environnement de coûts élevé. Les investisseurs devront cibler les groupes intermédiaires disposant d’un portefeuille équilibré entre infrastructures et services énergétiques, avec des valorisations soutenues par des carnets de commandes récurrents et une exposition limitée au résidentiel. Les dirigeants devront recentrer leur stratégie sur la performance durable, la montée en compétence et la transformation digitale pour conserver leur avantage concurrentiel dans une décennie de recomposition accélérée du BTP européen.

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François
Viallon
Partner Stratégie

François Joseph Viallon est cofondateur de Scale2Sell, où il accompagne des dirigeants dans leur passage à un nouveau palier de croissance jusqu’à la cession de leur entreprise.

Entrepreneur dans l’âme, il a fondé et dirigé StarDust, une société internationale spécialisée dans le test d’applications mobiles, qu’il a menée jusqu’à sa cession.Fort de cette expérience, il partage aujourd’hui les enseignements – succès comme erreurs – de son parcours pour aider d’autres dirigeants à structurer, valoriser et transmettre leur entreprise dans les meilleures conditions.

Il est également l'animateur du podcast Les interviews Scale2Sell et du programme d’accompagnement One Step Forward, pensé pour les dirigeants qui veulent anticiper et réussir leur transition.

François croit profondément à l’impact d’un collectif d’experts engagés, au service de dirigeants prêts à franchir une nouvelle étape.

François est papa de 2 garçons de 11 et 12 ans, il est basé à Marseille et en Haute-Savoie.

Sandrine
Montel
Partner Finance

Sandrine Montel est Partner Finance chez Scale2Sell. Elle accompagne les dirigeants dans la structuration de leur pilotage financier, la maîtrise de leur rentabilité et la préparation aux grandes étapes de transformation : accélération de la croissance, levée de fonds ou cession.

Avec plus de 20 ans d’expérience en direction financière dans des PME et ETI, Sandrine combine une approche stratégique, une capacité d’analyse pointue et une forte orientation terrain. Elle a accompagné de nombreuses entreprises dans la mise en place d’outils de gestion performants, le dialogue avec les investisseurs, ou encore la sécurisation de leur trésorerie dans des phases critiques.

Chez Scale2Sell, elle agit comme un véritable bras droit financier des dirigeants, en les aidant à prendre des décisions éclairées, fiables et tournées vers la création de valeur.

Sandrine croit profondément que la rigueur financière n’est pas une contrainte, mais un moteur de sérénité et d’impact pour les dirigeants.

Elle vit entre Lyon et Bordeaux, et partage son énergie entre ses missions de conseil, l’accompagnement de jeunes talents de la finance… et son potager bio, qu’elle cultive avec autant de méthode que ses plans de trésorerie.

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